Le Vieux-Breuil : un étonnant village de carriers
LE VIEUX BREUIL, PRES DE PAUSSAC
UN ETONNANT VILLAGE DE CARRIERS
Blanche et grise sur le vert composite des chênes, des noisetiers et des genévriers qui l'enserrent, la façade du bâtiment se dresse sur près de sept mètres de hauteur. Une muraille constituée d'un empilement de blocs lourds, volumineux, soigneusement appareillés que percent de multiples ouvertures ; Cinq lucarnes et fenêtre surmontent une porte pour atteindre le faîte d'un pignon sur lequel ne repose plus, depuis longtemps déjà, la moindre charpente. Dans la touffeur et le silence de l'été la ruine affiche, imperturbable, des allures pré-colombiennes ! Exotisme illusoire ; Le bourg de Paussac s'élève à deux kilomètres de là et cette bâtisse de pierre, une des nombreuses habitations séculaires regroupées dans le surprenant hameau du Vieux Breuil, n'aurait jamais su déclencher la convoitise d'un Pizarro ou d'un Cortès… Le toponyme n'apprend pas grand chose sur le site ! Le Breuil, ou plus exactement Breuilh, c'est, issu de l'occitan bruelh, le petit bois, le bouquet d'arbres ; pas vraiment une surprise car sur ce coteau où le calcaire affleure on ne s'attend guère, en effet, à voir proliférer la dense forêt primaire. Quant au qualificatif qui le précède il est douteux d'y voir la preuve d'une occupation du site antérieure à celle d'un autre lieu-dit proche et homonymiquement semblable, Le Breuil, dont justement, cinq cents mètres plus haut, s'étagent les maisons en rive gauche de la Sandonnie, maigre ruisseau que le soleil estival assèche peu à peu. Au Breuil les habitants du village ne détiennent plus maintenant les clefs de la mémoire du Vieux Breuil, trop secret voisin. Il y a un quart de siècle leurs parents et grands-parents confessaient aux curieux leur ignorance totale à son sujet ;tout juste consentaient-ils à confier les mises en garde faites aux enfants destinées à les détourner de l'endroit.
A quelle époque ce hameau abandonné depuis des lustres fut-il édifié, combien de temps fut-il fréquenté ? nul ne le sait ! Tout ce qu'une visite attentive révèle, c'est qu'il s'agit là d'une rare concentration de maisonnettes de carriers. L'extraction du matériau calcaire, activité que, de nos jours, perpétuent autour de Paussac cinq entreprises, a suscité, très précocement l'ouverture de nombreuses carrières dans la vallée. Le Vieux Breuil en compte plusieurs auxquelles donne accès un chemin tracé à même le roc où de profondes saignées racontent les péripéties d'innombrables et anciens charrois pondéreux. Quelques-unes de ces carrières excavent profondément le sous-sol sédimentaire. C'est à la faveur de ces travaux qu'ont été aménagées sept habitations, au moins, mi-bâties, mi-troglodytiques, qui s'élèvent au fond des cratères artificiels. En utilisant comme murs porteurs les angles des fosses creusées ou des pans entiers de parois rupestres réservés, hauts de 2 à 5 mètres, leurs constructeurs ont fait avec intelligence et économie « d'une pierre deux coups ». Il ne leur restait plus, si l'on peut dire, qu'à prolonger l'architecture en creux par une architecture bâtie ! Ce qui fut réalisé avec des monolithes dont quelques-uns dépassent les 2 mètres de long pour une hauteur de 70 centimètres… leur poids supposé laisse rêveur ! Toutes ces maisons, initialement couvertes de tuiles, ont, au sol, une faible superficie oscillant entre 5 et 25 m².Voilà sans doute pourquoi elles comportent deux niveaux d'habitat que dessinent avec netteté les rangées de boulins qui perforent à 2 ou 3 mètres du sol les murs rocheux. Dans ces niches s'enchâssaient les extrémités des solives qui supportaient le plancher. Il est presque sûr que le rez-de-chaussée faisait office d'entrepôt et remise à outils et que l'étage, moins humide, abritait le repos des travailleurs. Ces pièces étaient pourvues d'une cheminée, construite dans un angle ; soles et conduits et fumée subsistent dans trois d'entre elles. Chauffage et possibilité de cuire les aliments… confort minimum mais confort tout de même pour des carriers vivant là en célibataires et éloignés de leur famille le temps de l'exécution d'une commande. Car à n'en pas douter leur séjour sur place n'était qu'épisodique. On recherche vainement dans les fourrés alentour la margelle d'un puits ou d'une citerne. L'eau qui leur était indispensable ils l'apportaient avec eux dans des barriques ventrues ou allaient la puiser dans le lit de la Sandonnie distante d'à peine 300 mètres.
Le parcellaire cadastral communal, établi en 1809, ne fait pas état des maisons du Vieux Breuil. L'absence de document et de témoignage retranscrit a plongé le hameau des carriers dans la nuit de l'histoire des humbles. l'Abbé Gabriel Chaumette, l'arpenteur méthodique et passionné de ce vaste territoire, qui visite et décrit, au début des années 40, les nombreux cluzeaux, silos et sarcophages rupestres tout proches, ne l'évoque même pas ! Le site qui, depuis longtemps déjà, ne bruit plus du martèlement répétitif des pics ni du chuintement monotone des scies revivra-t- il un jour sous la plume d'un historien insoucieux de sa propre gloire ?
Conscients de l'intérêt de ce patrimoine les membres du conseil municipal de Paussac ont restauré, il y a 15 ans, l'une des cabanes à laquelle conduit un escalier construit dans le prolongement d'une vaste terrasse. Là, en bordure du chemin, repose sur le sol un bloc calcaire d'où un sculpteur malhabile a fait surgir les formes imprécises d'un animal acéphale qui rappelle un mouton. C'est l'endroit, paisible et magnifique, que choisissent habituellement randonneurs, escaladeurs ou chasseurs pour, autour d'un feu de bois, procéder à des libations tapageuses que narrent éloquemment bouteilles et papiers gras dispersés à profusion !
Christian-Alain Carcauzon.
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