Gabriel Chaumette : un pionnier de l'archéologie souterraine
Gabriel Chaumette : un pionnier de l'archéologie souterraine
La renommée de l'abbé Gabriel Chaumette a largement dépassé les frontières du Périgord Blanc. Rares, en effet, sont ceux, qui, s'intéressant au troglodytisme médiéval, n'ont pas un jour ou l'autre consulté les nombreuses publications du curé-doyen de Montagrier ; plus d'une cinquantaine de pages, parues entre 1943 et 1962 dans les bulletins de la Société Historique et Archéologique du Périgord, au fil desquelles l'auteur aura répertorié et décrit la bonne centaine de sites qu'il explora aux alentours de son bourg natal.
La passion lui vint précocement : « dès mon enfance j'ai eu le goût particulier de visiter les monuments mégalithiques, les cluzeaux et les curiosités naturelles du pays qui m'a vu naître….Au cours de mes vacances, j'ai parcouru bien des fois cette région, et, depuis que je réside à Montagrier, j'ai pu, à certains jours, me livrer à des études détaillées en attendant des recherches plus scientifiques» écrivait-il durant les années d'occupation. En 1975, 8 ans après sa disparition, Gilles Delluc estimait, en spécialiste, que « les comptes rendus des ses pérégrinations souterraines (étaient) fort denses et méthodiques » même s'il regrettait l'absence de toute topographie. Malgré ses lacunes, l'œuvre de l'abbé a suscité bien des vocations et tous ceux qui lui ont succédé sur son terrain d'aventure - Delfaud, Avrilleau, Clauzure, Boismoreau, Carcauzon, puis Raymond Dordognin - lui vouent ou lui ont voué une reconnaissance indéfectible !
Magnifique et bel outil pour l'historien, le « Dictionnaire biographique du Périgord » de Guy Penaud consacre quelques lignes à Gabriel Chaumette. Mais c'est pour reprendre, sans aller au-delà, le texte de Gilles Delluc publié dans le tome I de « Cluzeaux et souterrains du Périgord. Voilà pourquoi le lecteur reste sur sa faim, lorsque, en guise d'information strictement identitaire, il apprend que l'abbé a vécu au « XX° siècle ». Les registres de l'état civil communal ainsi que le témoignage de sa nièce Irène, fille de Georges Chaumette, frère cadet de Gabriel, permettent heureusement d'en connaître davantage sur les origines et la vie du pionnier de l'archéologie souterraine locale.
Gabriel Chaumette est né le 27 décembre 1885 à Paussac ; il est le quatrième enfant vivant du ménage Chaumette qui s'est uni pour le meilleur et pour le pire 14 ans plus tôt. Pierre Chaumette, le père, est originaire de la commune de La Tour Blanche où il a vu le jour au lieu-dit Jovelle en 1844. Son épouse Marguerite Jolivet est née en 1855 aux Guichards à tout juste 1 kilomètre au Nord-Est du clocher de l'église Saint Thimothée de Paussac. Les époux Chaumette exploitent, à la sortie du village, non loin de la route de la Verrerie, une vigne de 3 hectares qu'ils ont plantée après avoir soigneusement épierré une parcelle en friche et autour de laquelle ils monteront de solides murailles. La taille et l'entretien de la vigne c'est l'affaire de Marguerite qui plus tard sera secondée dans cette tâche par ses deux derniers fils qui vont rester à la terre ; Pierre, qui possède un petit troupeau de vaches, se mue le plus souvent en transporteur, allant livrer jusqu'à Saint Astier, au pas lent de ses animaux, les quartiers de pierre extraits des carrières de Saint Vivien. A force de travail et de persévérance ils parviennent à s'assurer une certaine aisance financière qui leur permet d'acquérir dans le bourg plusieurs granges et maisons dont l'une baptisée « le château » leur servira de chai.
Leur premier enfant, prénommé Pierre, décéde en 1877 âgé de 4 ans à peine. Le foyer a ensuite accueilli Alfred en 1875 puis Catherine – qu'on appela toute sa vie Célina- en mars 1876. Ephrem naîtra 6 ans plus tard en janvier 1882. Deux et six ans après la naissance de Gabriel ses parents lui donneront deux autres frères ; Georges tout d'abord puis Joseph.
Alfred, second de la fratrie, dont la jeune intelligence et la soif d'apprendre auront été remarquées par le prêtre desservant alors le village, rentrera dans les ordres à l'issue de ses études théologiques et exercera l'intégralité de son ministère dans la paroisse de Nailhac près de Hautefort. Il sera sûrement un modèle pour Gabriel d'autant que sur les terres, proches de la Corrèze, où il diffuse les enseignements du Christ, cet humble pasteur a su très vite se faire aimer de la population en remplissant, bénévolement, le rôle d'infirmier à domicile. Catherine, sa sœur cadette, le suivra à Nailhac, le déchargeant de toutes les tâches ménagères et se transformant parfois en chef du protocole lorsqu'il s'agira d'honorer dignement la visite de Monseigneur l'évêque dans un presbytère bien éloigné du chef lieu de la Dordogne.
Ephrem, venu au monde presque 4 ans avant le futur archéologue, deviendra pensionnaire dans une école d'agriculture ; un investissement certainement lourd pour ses parents mais les sacrifices financiers effectués pour assurer l'avenir de leur troisième enfant porteront leurs fruits. Ephrem sera bien vite appelé à la fin de sa formation à diriger l'un des plus importants domaines agricoles du bassin d'Arcachon, celui du château de Certes, à Audenge.
Georges et Joseph reprendront quant à eux les rênes de l'exploitation familiale et seront directement confrontés à l'extraordinaire mutation agricole qui se fera jour dès les lendemains de la première guerre mondiale.
Suivant l'exemple d'Alfred, Gabriel fera ses études à l'école cléricale de Périgueux puis aux séminaires de Bergerac et de la préfecture périgourdine. Après un passage par l'école théologique de la Peyrouse de Lalinde il sera ordonné prêtre. Nommé vicaire à Sainte-Alvère, il aura aussi à desservir Pézuls et Paunat demeurant 13 ans entre Louyre et Dordogne. Il est à cette époque un jeune homme mince, de taille modeste, 1,60 m précise sa carte d'identité, au visage énergique et sévère, presque austère, au teint mat et aux cheveux clairs. Comme Alfred il porte de fines lunettes à monture métallique. Sa vue est déficiente. A l'âge de 20 ans il a été opéré de la cataracte ; l'intervention s'est mal déroulée et il a perdu l'usage de l'œil gauche. Ainsi que son cadet Joseph réformé pour raisons médicales il ne sera pas mobilisé quand sonnera l'heure, à l'été 14, de « la Grande Guerre ».
Les trois autres garçons du foyer Chaumette monteront au front. Tous auront leur vie épargnée ! D'autres n'auront pas cette chance. Dans la commune la saignée sera terrible ; plus d'une trentaine d'hommes n'en reviendra pas et beaucoup de survivants porteront jusqu'à leur dernier jour dans leur chair et dans leur esprit les stigmates de cet effroyable conflit.
Après le Bergeracois c'est la contrée de Sainte Orse qui, à son tour, accueille le prêtre ; peut-être a-t-il voulu se rapprocher d'Alfred qui semble s'enraciner dans son pays de Nailhac. Outre Ste Orse, Gabriel a en charge Gabillou et Chourgnac d'Ans. Ces communes du Causse Périgourdin lui rappellent sans doute son Paussac natal avec leurs coteaux et plateaux secs et pierreux, leurs vallons propices aux cultures et leurs ruisseaux maigrelets. S'est-il enflammé, lui qui a déjà quelque expérience des cavernes, pour les innombrables grottes et gouffres que recèle cette contrée où il va officier près d'une dizaine d'années ? Plus personne aujourd'hui ne pourrait l'affirmer .
La proximité géographique des deux frères incite à cette époque leurs proches à braver les kilomètres pour rendre visite à leurs fils et fille, frères et oncles. Irène Chaumette,
85 printemps cette année, a conservé un vif souvenir de ces déplacements en autobus et de ses séjours chez Alfred et Gabriel.
Sa sœur et elle continueront longtemps encore à fréquenter le plus jeune des deux oncles surtout à partir de 1933-34, date à laquelle il est nommé curé-doyen de Montagrier. « On allait souvent le voir : il nous invitait pour les grandes fêtes religieuses et les communions et il nous renseignait sur les dates des bals dans sa commune. » Ceux qui ont bien connu Gabriel le confirment unanimement : « c'était un bon vivant qui ne dédaignait pas les plaisirs de la table et ne boudait pas les bonnes bouteilles ; un authentique curé de campagne en somme .»
L'abbé, malgré son handicap visuel, est un sportif accompli. Les longues marches à travers bois ou coteaux arides, les éprouvantes prospections dans les épais taillis de buis qui montent à l'assaut des escarpements rocheux dominant les vallées du Boulou et de la Sandonnie ne lui font pas peur. Agile et insensible au vertige, il excelle dans l'art de l'escalade et donne, à la suite de ses visites des descriptions réalistes de toute une série de cluzeaux « aériens » comme celui de l'Eycholier ou celui des Grelières aujourd'hui, emporté par l'extension d'une carrière. « L'entrée ( de ce cluzeau ) est à 7 mètres d'élévation. Il n'a pas, comme le Trou de la Cathie, de passage sur le sommet de la colline. La paroi du rocher est verticale. Au premier abord on redouterait d'en faire l'ascension. Ne craignez rien. Nos ancêtres ont aménagé, en trois rangées, une quinzaine de trous ou vous pourrez placer les pieds et les mains. On s'y cramponne facilement pour arriver à une fenêtre. » Lorsque l'absence de prises lui interdit l'accès aux cluzeaux du Parc, près du village du Breuil, ou du Moulin à vent, dans la commune de La Tour Blanche, il n'hésite pas à se munir d'échelles transportées à grand'peine sur de longues distances. Il pratique avec aisance la reptation et explore tous les réseaux karstiques dont il a connaissance ; les grottes des Séguinies et La Cache des Rilloux, le Gouffre de Paussac, Le Trou de la Louve, de La Guillote, et la grotte des Buis à Saint Just ainsi que le Trou des Brumes qui s'ouvre au nord- ouest du château de Fongrenon.
Adepte de la petite reine, il enfourche sa bicyclette à la moindre occasion. Cette pratique constante lui conservera jusqu'à la fin une silhouette svelte et un dynamisme certain. Au guidon de sa monture, il sillonne toutes les routes sinueuses et montueuses de la contrée à la recherche de nouvelles cavités laissant dans les mémoires le souvenir familier d'un aimable centaure vélocipédique pédalant vigoureusement, pans de soutane, souillée par l'argile des cavernes, flottant au vent !
Si, pour l'essentiel, l'abbé a publié le bilan de ses investigations dans les bulletins de la S.H.A.P., ces communications ne reflètent pas en totalité son activité de chercheur (que l'abbé nous pardonne !) impénitent . Dans des carnets demeurés inédits (mais dont quelques-uns font circuler des copies) on trouve mention de bien d'autres cavités et sites archéologiques situés dans les communes de Grand-Brassac ou de Creyssac, de Bourdeilles et Saint Julien de Bourdeilles, de Valeuil, de Vieux-Mareuil… Sa nièce Irène parle même d'un recueil, inconnu de tous, qui aurait disparu.
En 1964 Gabriel Chaumette prend une retraite bien méritée.
Il meurt à Bergerac trois ans plus tard et sera inhumé à Paussac le 8 avril 1967 aux cotés de son frère Alfred, disparu trop tôt en 1939, et de sa sœur Célina décédée en 1953. Le caveau qui les abrite est un imposant monument funéraire de calcaire gris sur la masse duquel une croix haute de prés de deux mètres étend ses bras.
Face au sépulcre, par-delà le mur d'enceinte du cimetière, le regard s'attarde sur l'église Saint Thimothée, qui, avec bienveillance, regroupe autour d'elle, comme un berger ses ouailles, les maisons du bourg.
Christian-Alain Carcauzon
Nos remerciements vont à Jean Paul Clauzure qui a bien voulu s'arracher, par pure amitié, à la quiétude d'une matinée de vacances afin d'aller dénicher des noms, des dates et des lieux que l'évêché de Périgueux refusait de communiquer à un paisible chroniqueur du « Périgourdin », à Irène Wagner née Chaumette qui a su mettre de la chair autour du squelette, de ces mêmes noms, dates et lieux et enfin à M Patrick Fare, secrétaire de mairie de Paussac, qui, délaissant quelques instants son ordinateur et ses tâches administratives, s'est aventuré sans faillir dans le maquis poussiéreux des registres de l'état civil.
Autour de Paussac dans les pas de l'abbé Gabriel Chaumette
Le dolmen de Peyre levade
« Je suppose que l'excursionniste venant de Périgueux arrive à Saint-Vivien, section communale de Paussac. Il prend la route de cette localité. Après la deuxième montée, il voit à gauche, à 40 mètres de la route, dans un champ cultivé, l'un des plus beaux dolmens du Périgord. C'est Peyre-Levado, ou Pierre-Levée. La table, longue de 3m.90, large de 3 mètres environ, est en grès, comportant de nombreuses assises. Son épaisseur varie de 0 m 40 à 0m60.La hauteur est de 1m55.Cinq pierres placées de champ la supportent. Elles sont en calcaire sauf une en grès. La plus grosse, qui sert de support, a 2m de long, 1m40 de côté et 0m35 d'épaisseur. Elle déborde des deux tiers la grande table, ce qui indique ici une ancienne allée couverte détruite en partie. Tout à côté, gisant pêle-mêle, se trouvent neuf autres pierres de soutien, dont l'une de grande dimension. Le grès que l'on remarque ici ne paraît pas avoir été extrait dans les environs immédiats, mais on en rencontre dans le territoire de la commune. Ce dolmen est bien connu…Un support était tombé en 1876 ; en 1933, on trouva la table affaissée. Notre société ( La Société Historique et Archéologique du Périgord) a dépensé deux mille francs pour la remettre sur ses bases, mais l'exécution est loin d'être parfaite. A signaler qu'une quinzaine de personnes debout peuvent s'y abriter et qu'au-dessus existe une petite cavité de 0 m 32 sur 0 m 18 de large. »
Le dolmen de Peyre levade avant "restauration"
Les monolithes qui forment table et supports du dolmen sont des dalles silico-ferrugineuses brunâtres qui semblent résulter du piégeage karstique dans les cavités des strates calcaires turoniennes et coniaciennes de matériaux probablement paléocènes. Le géologue Gérard Delorme pense que leurs éléments constitutifs sont d'origine volcanique, proviennent du Massif Central et ont été transportés par des courants éoliens jusque dans le nord de l'Aquitaine (Delorme in verbis.)
Le dolmen de Peyre d'Ermale
« On se rend au bourg de Paussac. Après la première maison à gauche, prenez le vieux chemin direct de Saint-Just. A moins d'un kilomètre, après avoir monté, vous rencontrez un monument remarquable par sa masse et son genre de construction. C'est le dolmen de Peyre d'Ermale.
Pour que ce monument ne soit pas dégradé, j'ai profité d'une occasion, en 1932, pour l'acheter avec le terrain qui l'entoure. Il se compose de deux pièces. La première a été taillée dans le calcaire-même adhérent au sol. Elle a approximativement la forme d'un tronc de cône, dont la base a 19 mètres de tour et la hauteur moyenne 1m50. Des petits trous servent d'escabeau. Sur cette pierre durcie par le temps, se trouve une fontaine ressemblant à une cuvette, profonde de 0m25, avec 0m80 comme diamètre. L'eau n'y manque presque jamais et est recueillie à la moindre pluie par une rigole qui va en serpentant. Les parois sont rougeâtres. Cette teinte due à un oxyde de fer, se rencontre souvent dans les vieilles constructions. Ce qui donne au monument un caractère de dolmen, c'est une deuxième pierre, également en calcaire et rapportée au-dessus, côté Nord. Elle est plus ou moins brute, de forme triangulaire, et occupe la moitié de la surface de la base. Elle constitue un vrai rétable de 3m50 sur 1m90 de large et 1m25 de haut. L'élévation totale du mégalithe est de 3 mètres environ. Le devant est tourné vers le ruisseau des Sandonies. Sur le côté Nord de la base, un moderne a creusé une encoignure rectangulaire pour s'abriter de la pluie. Un seul homme peut s'y blottir. Tout près, à l'Est, dans le sol, il y a une autre fontaine artificielle avec rigole, mais elle est moins ancienne que la précédente et plus profonde. »
Plus loin dans le texte, l'abbé G.Chaumette laisse espérer qu'un jour on pourrait trouver alentour des chambres souterraines car, note-t-il « le sol résonne sous les pieds… Quelle merveilleuse découverte pourrait être conjecturée ! »
Contrairement à l'affirmation de l'auteur, le second bloc qui surmonte le rocher tronconique adhérent au sol n'a pas été hissé de main d'homme. L'ensemble est un relief résiduel naturel, une micro butte-témoin épargnée par l'érosion, auquel un plan horizontal de stratification donne l'illusion de la superposition anthropique d'une pierre sur l'autre. Les aménagements visibles sur le sommet, pourtour et pied du monument (rigoles, cuvettes, abri) semblent contemporains mais si l'abbé suggère que certains d'entre eux ont été exécutés à des périodes différentes c'est que peut être il a recueilli, dès le début du 20e siècle, des témoignages allant dans ce sens. Comme au village rupestre du Vieux Breuil, des visiteurs indélicats dispersent autour du « dolmen » bouteilles cassées et papiers gras. Non content d'en souiller les abords, ils le dégradent en se servant de la cuvette inférieure comme base de foyer accélérant de la sorte la desquamation de la roche. Les élus communaux ont heureusement mis en place, en travers du sentier d'accès, deux gros blocs de calcaire qui interdisent aux « turbo-salopards » de se hisser avec leur 4x4 jusqu'au sommet de la Peyre.
Entre Léguillac de Cercles où elle prend naissance et le hameau du Breuil distant d'à peine plus d'un kilomètre de Paussac, la Sandonnie emprunte une vallée étroite bordée d'escarpements rocheux. De nombreuses cavités troglodytiques ont été creusées au Moyen-Age dans ces micro-falaises. Le « Cluzeau double des Grelières », celui de « L'Eycholier », de « L'Eglise » et ceux des « Cluzelloux » en font partie. A partir de 1942, l'Abbé Gabriel Chaumette va en entreprendre la description systématique.
Le cluzeau double des Grelières
« Un escalier, devenu rudimentaire, y conduit. C'est en réalité un double cluzeau aérien, dont les chambres ne sont pas juxtaposées comme ailleurs, mais superposées et communiquant au moyen d'une trappe actuellement ouverte. Quand la porte de l'appartement inférieur était intacte, elle avait 1m40 de haut et 1m de large. D'un coté, à gauche en montant, la paroi a été partiellement endommagée, mais la voûte subsiste avec une légère échancrure sur le devant. Ce cluzeau a …16 mètres de longueur sur une largeur moyenne de 4 mètres. En entrant, vous voyez à gauche un siège de guetteur et, bientôt, sur votre droite, dans un recoin à deux trous de vue, un siège à peu prés semblable. Vers le fond, la trappe de communication, de 1 mètre sur 0,40 m, traverse la voûte et donne sur le deuxième cluzeau, qui a 4 mètres de longueur, 3m50 de large, et est bien à hauteur d'homme comme le précédent. Mais en s'agrippant aux rochers et aux arbustes, on y arrive par l'extérieur. La porte d'entrée a 1m40 de haut et 0,85 de large ; elle a également son système de fermeture habituel et même une encoche en équerre. Une petite fenêtre, construite presque régulièrement (0m45 sur 0m30)comporte des barres d'appui en diagonale. »
Vers la fin des années soixante Philippe Boismoreau et Christian Carcauzon devaient topographier la cavité et en proposer une nouvelle description. En 1980 le Groupe Spéléologique Périgourdin publiait leur « Inventaire des cavités naturelles et artificielles de la vallée des Grelières » qui, 13 ans plus tard, devait être intégré dans le tome 3 de « Cluzeaux et souterrains du Périgord » de S.Avrilleau.
LE CLUZEAU DE L'EYCHOLIER OU DU COLOMBIER
Peu avant d'arriver au village du Breuil et en rive gauche de la Sandonnie, la D.93 qui relie Léguillac de Cercles à Paussac passe au pied d'un très intéressant cluzeau aérien , sans doute l'un des plus connus du Périgord Blanc. « C'est l'Eycholier ou le Colombier. Eycholier est la traduction du mot escalier en patois. Le nom de colombier vient de l'usage auquel il fut destiné plus tard. On y accède à flanc de rocher, au moyen de cavités creusées obliquement en mode d'escalier. L'entrée a 1m60 de haut, bien assez large pour le passage d'un homme. Elle domine la route. Trois petites fenêtres, deux cintrées et une allongée perpendiculairement, en forme d'archère, permettent de voir sans être vu, surtout du coté du Breuil. L'entrée garde ses entailles pour soutenir les barres d'appuis. A droite et à gauche ainsi qu'en face, existent trois petits placards pour la lampe. A l'arrivée on descend sur un petit perron qui a un mètre de haut au-dessus de la chambre. Celle ci a 6 mètres en tous sens mais le plafond est assez peu élevé. C'est un cluzeau aérien que la plupart peuvent visiter sans aucun danger. »
LE CLUZEAU DE L'EGLISE
A proximité du cluzeau de l'Eycholier, Gabriel chaumette décrit bien d'autres cavités troglodytiques. Le Cluzeau de l'Eglise est du nombre.
« Vous entrez par un corridor de 3 mètres, large de 0m60. Il vous conduit à une chambre de 4 mètres de long sur 4m50 de large et à hauteur d'homme. Etant à l'intérieur, vous voyez, à gauche de l'arrivée, une alcôve de 1 mètre de profondeur, large de 1m20. A droite une autre alcôve, plus grande, est profonde de 1m30 et large de 2m30. De celle-ci, trois petits trous ronds surveillent le corridor. La fenêtre que nous avons signalée, 1m10 sur 0m50 porte des traces de feuillure. Une trappe, actuellement découverte, traverse le plafond. Située vers le milieu elle pouvait servir de cheminée. Tout autour des parois, trois petits placards de 0m50 d'ouverture et peu profonds. Comme nous le voyons ailleurs il y a plusieurs systèmes de fermeture aux extrémités du corridor. Ce qui intrigue le visiteur, c'est d'apercevoir, près de la fenêtre, à même le sol, une circonférence de 1 mètre de diamètre décrite par une rainure de 0m18 avec 0m40 de profondeur. Au milieu il y a un trou. C'est à peu près comme si on avait voulu extraire une meule de moulin dans cette masse calcaire. Cet ouvrage était peut être destiné à creuser un silo ou un puisard près de la fenêtre, que, de l'extérieur, une personne agile peut escalader. A la sortie vous remarquez à gauche une sorte d'évier, et, plus bas, le commencement d'un escalier qui monte à une banquette observatoire. »
Ce n'est pas seulement au Cluzeau de l'Eglise, dont l'appellation demeure conjecturale, que l'on peut observer « ce qui intrigue le visiteur » c'est à dire cet essai resté inachevé d'extraction d'une meule de moulin. La fosse circulaire d'1m30 creusée au sol du Cluzeau aérien de Rochereil (Grand-Brassac) semble bien résulter d'un enlèvement réussi d'une meule comparable. Ailleurs, dans la vallée du Boulou notamment, le cluzeau de la Vilénie (Bourdeilles) a fait l'objet d'une même tentative. Sur le promontoire rocheux dont la base abrite le cluzeau de l'Eglise on peut observer six trous de poteaux, et sans doute bien d'autres restent masqués par la végétation, qui attestent l'édification ancienne d'une construction en bois communiquant avec la cavité sous jacente par la diaclase ouverte au plafond de celle-ci. En face, mais en rive droite de la Sandonnie cette fois, la terrasse supérieure des cluzeaux dits « des Cluzelloux » a fait l'objet d'un aménagement comparable induit par la présence d'une dizaine de trous de poteaux seuls vestiges apparents actuellement d'une construction médiévale disparue. Un décapage du sol permettrait, avec la mise au jour d'autres trous d'encastrement de poteaux, d'en préciser l'importance et le plan.
Le coteau dont les escarpements accueillent les cluzeaux de l'Eycholier et de l'église est surmonté d'une construction contemporaine, (bungalow de chasseurs ?) vieille d'une trentaine d'années, faite de bric et de broc .Jusqu'à ses derniers mois l'accès n'en était possible qu'à pied en empruntant un agréable sentier tracé au pied des abrupts. Aujourd'hui, au prix d'un déplorable saccage paysager, les propriétaires de l'abri peuvent s'y rendre avec leurs véhicules. La piste discrète s'est muée en un triste chemin ouvert sous les coups de boutoir d'un bulldozer. Et il faudra bien des décennies avant que les cicatrices de cette mutilation iconoclaste s'atténuent. Jour après jour, le Périgord, même dans ses endroits les plus secrets, les plus retirés, perd de sa beauté et de son charme. Dans la commune de Bourdeilles, les falaises de la Forge, en rive gauche du Boulou, ont subi une agression identique Sur des dizaines de mètres, des pans entiers de ces superbes parois rocheuses ont été détachés du massif et précipités dans la vallée où ils demeurent enchevêtrés dans une forêt d'arbres fracassés par leur chute. Tout cela au nom de la prétendue sécurisation d'un site qui ne présentait pas la moindre source de danger. Que les élus ou administratifs ne feraient-ils pas pour se mettre à l'abri de toute mise en cause éventuelle ! Il est vrai que ces escarpements connaissent depuis peu une fréquentation exponentielle de « varappeurs » volubiles en justaucorps et chaussons fluo et chamarrés qui garent leurs véhicules au plus prés des voies d'escalade . La marche et la « grimpe » apparemment c'est inconciliable !
Pourquoi le Périgord est-il si beau ?
Réponse : parce que les Périgourdins n'y sont pour rien !
Pourquoi le Périgord s'enlaidit-il si rapidement ? Réponse : parce que ses habitants y sont pour beaucoup !
Christian-Alain Carcauzon
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